Le "Semâ"

Kýrýk Testi

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Les derviches tourneurs sont des religieux musulmans. Leur nom a pour origine le mot persan darwich qui signifie "pauvre". Fondé par le poète mystique Mevlâna, au XIIIème siècle, l'ordre soufi des mevlevi, appelé communément "derviches tourneurs", n'est présent aujourd'hui que dans deux villes : Konya et Istanbul. Il reste encore plusieurs tekke (couvents) en activité.

Mevlâna qui possédait une richesse spirituelle extraordinaire, ait guidé son extase vers Dieu par la musique et la danse.

La première danse du "semâ" a été exécutée à Bagdad, capitale de l'Etat Abbasside, 200 ans avant la naissance de Mevlâna. Toutefois, elle était dépourvue de toute spiritualité. Elle ne gagna son caractère de cérémonie religieuse et son esprit d'élévation de l'âme qu'avec l'Ordre Mevlévi. A l'époque de Mevlâna, il existait très peu d'instruments de musique et le "semâ" était joué par l'improvisation. Plus tard, on créa des ensembles formés d'instruments spéciaux pour ce type de musique ; on composa des mélodies uniquement pour cette cérémonie. Elles étaient interprétées par un grand nombre de musiciens. On a utilisé beaucoup d'instruments dans cette musique mais le "ney", une sorte de longue flûte, y tenait une place particulière. Les instruments les plus utilisés sont le "tef", petit tambourin à cymbales, le "kudüm", petit tambour, des instruments à cordes au manche plus ou moins long, comme le "kemençe", l'ancêtre du violon, et diverses sortes de guitares, comme le "ud" et le "rebap".

Le postulant à l'Ordre Mevlévi, après la période de noviciat de 18 jours, commençait à s'initier à la danse du "semâ" et passait son temps à s'exercer pendant des heures. Pour lui apprendre à conserver l'axe et faire la rotation sur lui-même sans se déplacer, on plantait un clou dans le plancher ; l'apprenti "semâzen" (derviche tourneur) plaçait ses orteils entre le clou et tentait de pivoter. Dans un coin de la salle réservée à cette danse (semâhane), on posait une peau de mouton ou un tapis rouge qui marquait la place où s'asseyait le Doyen. Les spectateurs se tenaient sur les côtés devant deux rangées de bougies allumées.


Après le diner et la prière, les derviches, pieds nus, alignés sur une seule ligne, les mains croisés sur les épaules, dressés sur la pointe des pieds, la tête légèrement inclinée sur la droite, restaient sans bouger. Ensuite, les derviches âgés et les Pères prenaient place et, en dernier lieu, le Doyen arrivait. Il s'inclinait pour saluer les derviches tourneurs qui lui rendaient son salut. Puis, ils s'asseyaient par terre, tous ensemble et se prosternaient pour baiser le sol. A ce moment, un Père récitait quelques versets du Coran accompagnés du son plaintif de la flûte qui s'élevait au fur et à mesure, puis un autre Père entamait une litanie à la louange du Prophète. A la fin, le Doyen et les derviches tourneurs baisaient encore une fois le sol et se relevaient. Les danseurs faisaient trois fois le tour de la salle, s'arrêtant chaque fois qu'ils passaient devant le Doyen. Ensuite, ils retiraient le manteau noir qui cachait leur robe blanche. A tour de rôle, ils passaient devant le Doyen. Ils lui baisaient la main en demandant l'autorisation de danser, puis ils se plaçaient en cercle, étendaient les bras pour se mettre à pivoter, la main droite ouverte, la paume tournée vers le ciel, la paume gauche tournée vers le sol, la tête légèrement penchée sur l'épaule gauche. La cérémonie du "semâ" s'achevait sur une prière en commun ; on buvait des rafraîchissements, on mangeait des fruits et on attendait l'apaisement des émotions ressenties au cours de la ronde.




Le "semâ" est en soi-même tout un symbole. Le Doyen représente le soleil qui éclaire l'univers ; les derviches tourneurs sont les astres qui gravitent autour du soleil dont ils captent la lumière. Le manteau noir des Pères illustre la mort, la robe blanche des danseurs, le ciel, l'univers divin et le monde des âmes. La main du danseur, tendue vers le ciel et l'autre vers le sol, signifie qu'ils sont un pont entre les hommes et Dieu.

Jusqu'à la fin de l'empire Ottoman, les cérémonies du "semâ" se déroulaient les jours saints, au nombre de cinq, au cours desquels les musulmans priaient toute la nuit. D'autres soirées de "semâ", étaient organisées, plus particulièrement les vendredis.

Avec l'instauration de l'Etat laïque, an 1924, les sectes et confréries religieuses ont été interdites. Les danses rituelles avaient disparues. Aujourd'hui, à Konya, ces cérémonies se déroulent chaque année, le 17 décembre, jour de l'anniversaire de la mort de Mevlâna. Depuis les années 1950, il règne à Istanbul une certaine tolérance et plusieurs tekke sont en activité. Certains acceptent les visiteurs, d'autres sont strictement réservés aux membres de la congrégation.


 
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